Projet de loi no 96 : Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français

31 mai 2021 | Lonnie Brodkin-Schneider, Emily Cruz Isgro

Après une abondante couverture médiatique des changements anticipés à la Charte de la langue française (la « Charte »), le 13 mai dernier, le gouvernement du Québec a déposé à l’Assemblée nationale le projet de loi no 96 intitulé Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (le « projet de loi »). S’il est adopté, ce projet de loi aboutira à la modification de la Charte dans sa forme actuelle dans le but de consolider la position de la langue française comme langue principale dans l’ensemble du Québec dans de nombreux secteurs d’activité, y compris dans le domaine des affaires et dans les relations de travail.

Le présent bulletin d’information vise à mettre en exergue certains des changements importants liés à l’utilisation de la propriété intellectuelle, en particulier des marques de commerce, sur l’affichage extérieur au Québec.

Parmi les changements proposés, on retrouve des modifications visant à fortifier le français comme langue de communication sur le lieu de travail, notamment dans les contrats de travail, les communications internes, les formations et la documentation dans son ensemble, qui devront être réalisés ou rédigés en français d’abord et avant tout, avec quelques exceptions sur demande, sous réserve de certaines conditions. Plus précisément, le projet de loi confirme que les offres d’emploi et les contrats de travail doivent être rédigés et transmis en français, sous réserve de certaines exceptions. De plus, les entreprises sous réglementation fédérale qui exercent leurs activités dans la province seraient également assujetties aux dispositions de la Charte ainsi modifiée.

Ce projet de loi vise également à réglementer les compétences linguistiques et les exigences imposées aux employés relativement à la connaissance d’une autre langue, en imposant aux employeurs le fardeau de démontrer que les tâches et la nature du travail nécessitent d’avoir les compétences pour travailler dans une langue autre que le français. De plus, pour les emplois qui exigent la connaissance d’une autre langue, le projet de loi prévoit les conditions que les employeurs doivent remplir pour démontrer qu’ils ont pris tous les moyens raisonnables pour éviter une telle exigence.

Les règles de francisation pour l’inscription auprès de l’Office québécois de la langue française (l’« OQLF ») et l’instauration d’un milieu de travail obligatoirement en français seraient élargies pour englober les entreprises de vingt-cinq à quarante-neuf employés, au lieu de l’exigence actuelle imposée aux entreprises de 50 employés et plus, ce qui toucherait de nombreuses entreprises qui, auparavant, n’étaient pas visées par ces exigences. Si ce projet de loi devient loi, cette nouvelle règle entrera en vigueur trois ans plus tard et entraînera également une accélération des délais pour s’y conformer, soit trois mois au lieu des six mois prévus auparavant.

Par ailleurs, même si l’obligation de créer un comité de francisation est maintenue dans les entreprises de 100 employés et plus, des modifications seraient apportées aux dispositions relatives à la composition et à la mise en place de ces comités. De plus, l’OQLF disposerait du pouvoir discrétionnaire d’imposer la même obligation aux entreprises d’au moins vingt-cinq employés.

Le projet de loi prévoit également que les employés de certaines entreprises d’au moins cinq employés pourront bénéficier de programmes visant à offrir des services d’apprentissage du français. Ces services ont pour objectif de permettre à ces personnes d’acquérir des compétences linguistiques suffisantes en français.

Les dispositions relatives à l’utilisation d’une langue autre que le français sur l’affichage feront également l’objet de changements importants. Le projet de loi vise à renforcer la langue française en veillant à sa prédominance sur les affichages extérieurs comprenant des mots dans une langue autre que le français. Les marques de commerce enregistrées au Canada dans une langue autre que le français et pour lesquelles il n’existe pas de version française enregistrée pourront continuer à être utilisées sur les affichages, à condition qu’une composante, un élément descripteur ou un slogan français soit également présent et nettement prédominant. Cette exigence pourrait s’avérer très coûteuse pour les entreprises. En effet, celles-ci pourraient être tenues d’investir à nouveau dans un nouvel affichage alors que des mesures avaient déjà été prises à cet égard pour répondre aux précédents changements adoptés il y a quelques années à peine.

Les changements proposés auraient également pour incidence d’accentuer le rôle de l’OQLF. En effet, le projet de loi élargirait la portée des pouvoirs de l’OQLF qui, dans le cadre de son mandat nouvellement élargi, pourrait mettre en place une structure de surveillance de l’application des nouvelles règles. Parmi les pouvoirs actualisés dont disposerait l’OQLF, mentionnons des exigences de déclaration plus fréquentes, des sanctions plus sévères envers les particuliers et les entreprises non conformes et la capacité de réglementer les plaintes et de veiller à la conformité. De plus, le projet de loi accorderait aux particuliers un nouveau droit, c’est-à-dire la possibilité d’engager des poursuites privées pour chercher à obtenir réparation auprès des tribunaux lorsque certaines infractions à la Charte sont constatées. Il vise également à modifier d’autres lois, entre autres la Charte des droits et libertés de la personne et la Loi sur la protection du consommateur, dans le but de reconnaître le droit général des Québécois d’utiliser le français et de vivre en français, ainsi que d’être informés et servis en français.

En résumé, les propositions de modification de la Charte en vertu du projet de loi no 96 traduisent la volonté du gouvernement actuel de promouvoir la langue française et de la protéger. Par conséquent, les entreprises du Québec pourraient être tenues de s’ajuster au moyen d’importantes mesures d’adaptation de leurs activités commerciales et de leur milieu de travail si le projet de loi no 96 est adopté.

L’auteure tient à remercier la stagiaire Emily Cruz Isgro pour sa participation à la rédaction de cet article.

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