Modifications proposées aux règles relatives aux sociétés étrangères affiliées

28 septembre 2022 | Victoria Rodrigues

Introduction

Le 9 août 2022, le ministère des Finances a publié des propositions législatives relatives à la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Certaines des modifications proposées ont une incidence sur les règles relatives aux « sociétés étrangères affiliées » selon la définition de ce terme dans la LIR. Les plus importantes modifications proposées sont résumées ci-dessous.

1. Élargissement des règles anti-évitement pour les échanges d’actions de sociétés affiliées étrangères et les fusions étrangères

Le ministère des Finances a proposé des modifications à la règle anti-évitement du paragraphe 85.1(4) de la LIR relativement aux échanges d’actions entre sociétés étrangères affiliées, et des modifications à la règle anti-évitement du paragraphe 87(8.3) relativement aux fusions étrangères.

En règle générale, le paragraphe 85.1(3) de la LIR permet à un contribuable de disposer des actions d’une société étrangère affiliée (la « société affiliée concernée ») à une autre société étrangère affiliée (la « société affiliée ayant procédé à l’acquisition ») sur une base de « roulement » à imposition différée, à condition que le contribuable reçoive au moins une action de la société affiliée ayant procédé à l’acquisition.

Actuellement, l’alinéa 85.1(4)a) de la LIR prévoit que le « roulement » à imposition différée du paragraphe 85.1(3) ne s’applique pas si :

  1. la totalité ou la presque totalité des biens de la société affiliée donnée sont des « biens exclus »;
  2. la disposition de l’action fait partie d’une opération ou d’une série d’opérations visant à disposer de l’action de la société affiliée concernée en faveur d’une personne ou d’une société de personnes avec laquelle le contribuable n’a aucun lien de dépendance, autre qu’une société étrangère affiliée relativement à laquelle le contribuable a une « participation admissible ».

Le paragraphe 87(8) de la LIR prévoit généralement un « roulement » à imposition différée lorsque, lors d’une « fusion étrangère », les actions d’une « société étrangère remplacée » détenues par un contribuable sont échangées contre des actions d’une « nouvelle société étrangère » ou de la société mère étrangère, ou deviennent des actions de cette dernière.

À l’heure actuelle, le paragraphe 87(8.3) de la LIR prévoit que le « roulement » à imposition différée prévu au paragraphe 87(8) ne s’applique pas dans les cas suivants :

  1. la « nouvelle société étrangère » est une société étrangère affiliée du contribuable;
  2. les actions de la « nouvelle société étrangère » sont des « biens exclus » d’une autre société étrangère affiliée du contribuable;
  3. la fusion étrangère fait partie d’une opération ou d’une série d’opérations qui comprend une disposition d’actions de la « nouvelle société étrangère », ou de biens substitués à ces actions, effectuée au profit :
    1. soit d’une personne (sauf une société étrangère affiliée du contribuable dans laquelle le contribuable a une « participation admissible ») avec laquelle le contribuable n’avait aucun lien de dépendance);
    2. soit d’une société de personnes dont l’un des associés est une personne visée au sous-alinéa (i) ci-dessus.

Le ministère des Finances a proposé d’élargir la portée de l’alinéa 85.1(4)a) et du paragraphe 87(8.3) de la LIR comme suit :

  1. les règles sont élargies pour empêcher le roulement en cas de disposition subséquente des actions, ou de biens substitués aux actions de la société affiliée concernée, ou en cas de disposition subséquente de biens qui tirent leur valeur directement ou indirectement des actions de la société affiliée concernée ou de la « nouvelle société étrangère », selon le cas, ou des biens substitués;
  2. l’étendue des acquéreurs ultérieurs non admissibles est élargie pour inclure les non-résidents ayant un lien de dépendance et les sociétés de personnes dont l’un des membres est une personne sans lien de dépendance ou un non-résident ayant un lien de dépendance;
  3. l’exclusion des acquéreurs ultérieurs qui sont des sociétés étrangères affiliées dans lesquelles le contribuable a une « participation admissible » est remplacée par une exclusion plus limitée des sociétés étrangères affiliées qui sont des « sociétés étrangères affiliées contrôlées » du contribuable aux fins de l’article 17 de la LIR;
  4. les règles sont élargies pour empêcher le roulement lorsque, au moment de la disposition subséquente, le bien cédé est un « bien exclu ».

L’élargissement proposé de l’alinéa 85.1(4)a) et du paragraphe 87(8.3) de la LIR pour inclure les non-résidents ayant un lien de dépendance dans le champ des acquéreurs subséquents inadmissibles, et le rétrécissement de l’exclusion aux « sociétés étrangères affiliées contrôlées » au sens de l’article 17 de la LIR est une modification importante qui pourrait éliminer la possibilité d’un « roulement » à imposition différée pour les échanges d’actions de sociétés étrangères affiliées et les fusions étrangères dans des circonstances dans le cadre desquelles cela était auparavant possible.

Si elles sont mises en œuvre, les modifications proposées s’appliqueront relativement aux opérations à compter du 9 août 2022.

2. Choix de restriction de la suppression de la liquidation et de dissolution des sociétés affiliées étrangères

Le paragraphe 88(3) de la LIR établit les règles qui s’appliquent lors de la liquidation et de la dissolution d’une société étrangère affiliée (une « société affiliée en voie de dissolution ») lorsqu’un contribuable reçoit des biens de la société affiliée en voie de dissolution relativement à des actions de la société affiliée en voie de dissolution dont le contribuable dispose lors de la liquidation et de la dissolution. La règle générale est que les biens distribués par une société affiliée en voie de dissolution sont réputés avoir été cédés par la société affiliée en voie de dissolution et acquis par le contribuable à leur juste valeur marchande, et que les actions de la société affiliée en voie de dissolution sont réputées avoir été cédées par le contribuable à leur juste valeur marchande (c’est-à-dire sur une base imposable).

L’alinéa 88(3)a) de la LIR permet à une société affiliée en voie de dissolution de transférer des biens à un contribuable sur la base d’un « roulement » à imposition différée lorsque l’un ou l’autre des cas suivants se présente

  1. la liquidation et la dissolution de la société affiliée en voie de dissolution est une « liquidation et dissolution admissible; ou
  2. le bien distribué est une action d’une autre société étrangère affiliée qui était un « bien exclu ».

L’actuel paragraphe 88(3.3) de la LIR permet à un contribuable de choisir de réduire le montant de la disposition des biens distribués en vertu de l’alinéa 88(3)a) de la LIR lorsque les biens distribués sont des immobilisations de la société affiliée en voie de dissolution et que la liquidation et la dissolution sont des liquidations et des dissolutions admissibles. Ce choix permet au contribuable de reporter la réalisation des gains en capital lors de la disposition des actions de la société affiliée en voie de dissolution jusqu’à ce qu’il dispose ultérieurement du bien distribué.

Le ministère des Finances a proposé de modifier le paragraphe 88(3.3) afin de restreindre l’application du choix de suppression aux biens distribués d’une société affiliée en voie de dissolution, qui sont des actions d’une autre société étrangère affiliée. Cette modification proposée représente une réduction importante de l’utilité du choix prévu au paragraphe 88(3.3).

Si elle est mise en œuvre, la modification proposée s’appliquera aux opérations qui ont lieu à partir du 9 août 2022.

3. Restriction de l’exception pour les prêts en amont de l’activité ordinaire de prêt – Alinéa 90(8)b)

Les paragraphes 90(6) à 90(15) de la LIR contiennent ce qu’on appelle les « règles concernant les prêts en amont ». Ces règles exigent d’un contribuable qu’il inclue un »montant déterminé » dans son revenu à l’égard de certains prêts consentis par un « débiteur déterminé », ou d’une dette de celui-ci à l’égard du contribuable, à une société étrangère affiliée du contribuable (une « société affiliée créancière »).

L’actuel alinéa 90(8)b) de la LIR prévoit une exception aux règles concernant les prêts en amont pour les comptes clients qui sont nés dans le cours normal des activités d’une société affiliée du créancier, ou les prêts consentis dans le cours normal des activités de prêt d’argent d’une société affiliée du créancier (une « activité de prêt ordinaire ») si, au moment où la dette est née ou le prêt a été consenti, des dispositions de bonne foi ont été prises pour le remboursement de la dette ou du prêt dans un délai raisonnable.

Le ministère des Finances propose de modifier le paragraphe 90(8)b) de la LIR afin d’exclure de cette exception toute entreprise de prêt ordinaire dont moins de 90 % des prêts en cours sont dus par des emprunteurs sans lien de dépendance. Cette modification proposée a pour effet d’éliminer l’exception aux règles concernant les prêts en amont pour les prêteurs internes ou « captifs “au sein d’un groupe de sociétés. La modification proposée à l’alinéa 90(8)b) reflète la modification proposée au paragraphe 15(2.3) de la LIR en ce qui concerne les prêts aux actionnaires. Pour tout complément d’information, veuillez consulter notre mise à jour : Publication de propositions législatives relatives aux textes fiscaux au Canada.

Si elles sont adoptées, ces modifications proposées s’appliqueront aux prêts consentis à partir du 1er janvier 2023 et à la partie de tout prêt consenti avant 2023 qui demeure en vigueur le 1er janvier 2023.

4. Ajout de règles de suivi des intérêts pour les fiducies à compartiments multiples

L’article 94.2 de la LIR établit des règles applicables à la participation d’un contribuable dans certaines fiducies non-résidentes à vocation commerciale. Lorsque les exigences du paragraphe 94.2(1) sont satisfaites, la fiducie non-résidente à vocation commerciale est réputée, en vertu du paragraphe 94.1(2), être une société non résidente contrôlée par le contribuable aux fins de l’application de certains articles de la LIR. Par conséquent, tout « revenu étranger accumulé, tiré de biens » (« RÉATB ») de la fiducie est attribué au contribuable et imposé entre ses mains.

Le ministère des Finances a proposé d’ajouter un nouveau paragraphe 94.2(5) à la LIR qui prévoirait des règles d’attribution du RÉATB d’une fiducie non-résidente à vocation commerciale assujettie à l’article 94.2 de la LIR lorsque la fiducie est une « fiducie à compartiments multiples ». En général, une « fiducie à compartiments multiples » est une fiducie unique composée de plusieurs compartiments dont l’actif et le passif sont séparés. Les bénéficiaires d’une fiducie à compartiments multiples détiennent généralement des intérêts dans un compartiment particulier du trust.

Lorsque l’actuel paragraphe 94.2 de la LIR s’applique à une fiducie non-résidente à vocation commerciale, le RÉATB de la fiducie peut être attribué au contribuable, même si le RÉATB ne provient pas du compartiment particulier dans lequel le contribuable est investi.

Pour remédier à ce décalage, le paragraphe 94.2(5) proposé étend les règles relatives au « mécanisme de suivi » prévues aux paragraphes 95(10) et 95(11) de la LIR aux fiducies à compartiments multiples assujetties à l’article 94.2 de la LIR. En effet, les modifications proposées font en sorte que le compartiment particulier dans lequel le contribuable est investi est réputé être une «société distincte » qui est une société étrangère affiliée contrôlée du contribuable, de sorte que seul le RÉATB qui est fondé sur le revenu, les gains ou les pertes réalisés dans le compartiment particulier dans lequel le contribuable est investi est attribué au contribuable et imposé entre ses mains.

Si elles sont adoptées, ces modifications proposées s’appliqueront aux années d’imposition des fiducies qui commencent après le 26 février 2018.

5. Restriction de la règle d’érosion de la base pour les revenus des services

En vertu du sous-alinéa 95(2)b)(i) de la LIR, certains revenus d’une société étrangère affiliée sont réputés être des revenus provenant d’une entreprise autre qu’une entreprise exploitée activement et donc du RÉATB. La clause 95(2)b)(i)(B) de la LIR s’applique lorsque :

  1. une société étrangère affiliée fournit des services (la «société affiliée de services »); et
  2. les montants payés ou payables à la société affiliée de services pour les services sont déductibles dans le calcul du RÉATB d’une autre société étrangère affiliée (la « société affiliée payante ») du contribuable ou d’un autre contribuable qui a un lien de dépendance avec la société affiliée de services ou le contribuable.

À l’heure actuelle, en vertu de la clause 95(2)b)(i)(B) de la LIR, tous les revenus de services de la société affiliée de services provenant de la société affiliée payante sont réputés être du RÉATB, sans égard aux intérêts proportionnels des contribuables concernés dans les revenus de la société affiliée payante.

Pour remédier à ce résultat inapproprié, le ministère des Finances propose de modifier le sous-alinéa 95(2)b)(i)(B) de la LIR de façon à ce que le revenu de services d’une société affiliée de services provenant d’une société affiliée payante ne soit réputé être un RÉATB que proportionnellement à la participation globale des contribuables concernés dans la société affiliée payante.

La modification proposée s’appliquerait à l’égard des années d’imposition d’une société étrangère affiliée qui commencent après 2015.

Le ministère des Finances propose également d’ajouter un nouveau paragraphe 95(3.03) à titre d’exception au sous-alinéa 95(2)b)(i) de la LIR.

En général, le paragraphe 95(3.03) proposé prévoit que le sous-alinéa 95(2)b)(i) de la LIR ne s’applique pas si les conditions suivantes sont remplies :

  1. le contribuable a une « participation qualifiée » dans la société affiliée de services ou la société affiliée de services est une société étrangère affiliée contrôlée du contribuable;
  2. le contribuable a une « participation qualifiée » dans la société affiliée de la personne qui effectue le paiement;
  3. les montants payés ou payables par la société affiliée de la personne qui effectue le paiement pour les services correspondant à des dépenses engagées par la société affiliée de la personne qui effectue le paiement dans le but de tirer un revenu de biens;
  4. les biens de la société affiliée payante visée au point c) ci-dessus sont des actions d’une autre société étrangère affiliée du contribuable (la « troisième société affiliée ») qui sont des biens exclus et le contribuable a une « participation admissible » dans la troisième société affiliée; et
  5. soit :
    1. la société affiliée payante et/ou la troisième société affiliée sont assujetties à l’impôt sur le revenu dans un pays autre que le Canada; ou
    2. les membres ou actionnaires de la société affiliée payante et/ou de la troisième société affiliée sont assujettis à l’impôt sur le revenu dans un pays autre que le Canada sur, au total, la totalité ou la quasi-totalité du revenu de la société affiliée payante et/ou de la troisième société affiliée (selon le cas).

Le paragraphe 95(3.03) proposé fait en sorte que le sous-alinéa 95(2)b)(i) ne s’applique pas lorsque le revenu de la société affiliée payante provient d’actions de la troisième société affiliée qui exploite une entreprise active. Il s’agit d’un résultat approprié puisque le sous-alinéa 95(2)b)(i) ne s’appliquerait pas si les services avaient été fournis par la société affiliée de services directement à la troisième société affiliée.

S’il est adopté, le paragraphe 95(3.03) proposé s’applique aux années d’imposition d’une société étrangère affiliée qui se terminent après 2016.

6. Autres modifications proposées aux règles concernant les sociétés étrangères affiliées

Les modifications proposées prévoient un certain nombre de modifications supplémentaires aux règles relatives aux sociétés étrangères affiliées, notamment :

  • des modifications aux règles concernant le dumping des sociétés étrangères affiliées afin de limiter la réintégration du capital versé en vertu de l’alinéa 212.3(9)b) de la LIR dans certaines circonstances;
  • des modifications à la définition d’« entité canadienne déterminée » au paragraphe 233.3(1) de la LIR afin d’exclure certaines sociétés de personnes de l’obligation de produire des déclarations de renseignements T1134
  • l’élargissement du régime particulier de la section 93.3 de la LIR pour les trusts résidant en Australie afin d’inclure les trusts résidant en Inde qui remplissent les autres conditions du paragraphe 93.3(2).

Conclusion

Pour tout complément d’information à propos des modifications proposées en août 2022 concernant les règles relatives aux sociétés étrangères affiliées dans la LIR, veuillez communiquer avec un membre de l’équipe de droit fiscal de Miller Thomson.

Avis de non-responsabilité

Cette publication est fournie à titre informatif uniquement. Elle peut contenir des éléments provenant d’autres sources et nous ne garantissons pas son exactitude. Cette publication n’est ni un avis ni un conseil juridique.

Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l. utilise vos coordonnées dans le but de vous envoyer des communications électroniques portant sur des questions juridiques, des séminaires ou des événements susceptibles de vous intéresser. Si vous avez des questions concernant nos pratiques d’information ou nos obligations en vertu de la Loi canadienne anti-pourriel, veuillez faire parvenir un courriel à [email protected].

© Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l. Cette publication peut être reproduite et distribuée intégralement sous réserve qu’aucune modification n’y soit apportée, que ce soit dans sa forme ou son contenu. Toute autre forme de reproduction ou de distribution nécessite le consentement écrit préalable de Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l. qui peut être obtenu en faisant parvenir un courriel à [email protected].