Guide pratique sur les demandes de PDTPE : Première partie

20 octobre 2022 | Bryant D. Frydberg, Evelyne Vacy-Lyle

Qu’est-ce qu’une PDTPE?

Le présent document constitue le premier d’une série d’articles traitant de la perte déductible au titre d’un placement d’entreprise (« PDTPE »), qui comprendra notamment une interprétation des termes clés et une discussion sur la jurisprudence récente.

Lorsque le prix de base rajusté (« PBR ») de la créance d’un contribuable envers un créancier ou des actions d’une société est supérieur à la juste valeur marchande de la créance ou des actions, une perte en capital peut être demandée au moment de la disposition de la créance ou des actions. Si une perte en capital peut être demandée, le contribuable pourrait être en mesure de demander une PDTPE.

Le montant d’une demande de PDTPE correspond à 50 % de la perte du contribuable au titre d’un placement d’entreprise. En général, toute partie non appliquée d’une PDTPE devient une perte autre qu’en capital qui peut être reportée rétrospectivement sur 3 ans et prospectivement sur 10 ans.

Étant donné la menace de récession qui nous guette et la hausse des taux d’intérêt, les pertes en capital pourraient être plus fréquentes. Il est important de prendre note qu’une demande de PDTPE peut être vérifiée par l’Agence du revenu du Canada (« ARC »). Il est donc important de comprendre les exigences à remplir pour demander une PDTPE.

Pourquoi demander une PDTPE?

Une PDTPE est un type de perte en capital qui fait l’objet d’un traitement fiscal différent de celui qui s’applique à une perte en capital typique. Des traitements fiscaux plus avantageux sont appliqués à une PDTPE afin d’encourager les investisseurs à investir dans les sociétés exploitant une petite entreprise. Contrairement à la plupart des pertes en capital, qui peuvent servir uniquement à réduire les gains en capital imposables, une PDTPE peut être déduite de toutes les sources de revenus.

Quand peut-on demander une PDTPE?

Une PDTPE peut être demandée dans les cas suivants :

1. Disposition réelle

On peut demander une PDTPE lorsqu’une perte en capital survient à la suite de la disposition réelle d’une action du capital social d’une société exploitant une petite entreprise en faveur d’une personne avec laquelle on n’a pas de lien de dépendance.

On peut également demander une PDTPE lors de la disposition sans lien de dépendance d’une créance qu’une société privée sous contrôle canadien (« SPCC ») a envers un contribuable. En vertu du sous-alinéa 39(1)(c)(iv) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi »), dans le cas d’une créance, la SPCC débitrice doit être : 1) une société exploitant une petite entreprise; 2) un failli qui était une société exploitant une petite entreprise; ou 3) une personne morale insolvable qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où une ordonnance de mise en liquidation a été rendue.

2. Disposition réputée

Une PDTPE peut également être demandée lorsqu’un contribuable choisit dans sa déclaration de revenus de faire appliquer le paragraphe 50(1) de la Loi pour l’année d’imposition en question, de sorte que le contribuable est réputé avoir disposé, en échange d’un produit de disposition nul, de l’action ou de la créance à la fin d’une année d’imposition et l’avoir acquis de nouveau à un coût nul immédiatement après la fin de l’année.

Dans le cas d’une créance, le contribuable doit avoir établi qu’elle est devenue irrécouvrable au cours de cette année d’imposition et la créance doit être due au contribuable à la fin de cette année d’imposition.

Dans le cas d’une action d’une société, il doit s’agir d’une société qui : 1) a fait faillite; 2) est devenue insolvable, ou a fait l’objet d’une ordonnance de liquidation dans l’année; ou 3) à la fin de l’année, est insolvable et ni la société ni une société qu’elle contrôle n’exploite une entreprise, la juste valeur marchande de l’action est nulle, et il est raisonnable de s’attendre à ce que la société soit dissoute ou liquidée et à ce qu’elle ne recommence pas à exploiter une entreprise.

Jurisprudence récente

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, le fait qu’une disposition ait été effectuée « sans lien de dépendance » peut être un facteur déterminant dans la capacité de demander une PDTPE. Bien qu’une discussion approfondie sur la signification de l’expression « sans lien de dépendance » sorte du cadre du présent article, la récente affaire Keybrand Foods Inc. c. Canada, 2020 CAF 201 (« Keybrand ») a permis d’examiner la signification de cette expression dans le contexte d’une PDTPE.

Keybrand Foods Inc. c. Canada

Dans l’affaire Keybrand, la Cour d’appel fédérale (« CAF ») s’est penchée sur le troisième critère permettant de déterminer s’il existe un lien de dépendance factuel, tel qu’il est présenté dans l’arrêt Canada c. McLarty, 2008 CSC 26 :

  1. un seul cerveau dirige les négociations pour les deux parties à une transaction;
  2. les parties à une transaction agissent de concert sans intérêts distincts; et
  3. il y a exercice effectif (de fait) du contrôle.

Dans l’affaire Keybrand, le contribuable, Keybrand Foods Inc. (« Keybrand Foods ») a investi dans Vidabode Group Inc. (« Vidabode »). En 2010, Vidabode a emprunté environ 15 millions de dollars à GE Capital et ce prêt s’est retrouvé en souffrance. Keybrand Foods ainsi qu’une autre société liée ont garanti la créance de Vidabode envers GE Capital. Keybrand Foods a emprunté environ 14 millions de dollars auprès d’un prêteur, somme qu’elle a utilisée pour acheter des actions de Vidabode. Vidabode a utilisé les sommes obtenues de Keybrand Foods pour rembourser sa créance envers GE Capital. Ensuite, Keybrand Foods a tenté de demander une PDTPE sur les actions de Vidabode.

L’ARC a refusé la demande de PDTPE au motif que Keybrand Foods et Vidabode avaient un lien de dépendance au moment où les actions en cause ont été acquises de la trésorerie. Les parties ont convenu qu’au moment de l’achat des actions de Vidabode, la juste valeur marchande des actions était nulle. Puisqu’il a été établi que Keybrand Foods et Vidabode avaient un lien de dépendance, l’article 69 de la Loi s’est appliqué et le PBR des actions a été réputé correspondre à la juste valeur marchande (nulle) et non au montant payé. Si le PBR est nul, aucune perte en capital (et donc aucune PDTPE) ne survient lors de la disposition ultérieure des actions (réputée ou réelle). Keybrand Foods n’a pas obtenu gain de cause devant la Cour canadienne de l’impôt et a interjeté appel. La CAF a rejeté l’appel et déclaré que Keybrand Foods était l’âme dirigeante, qu’elle exerçait donc un contrôle de fait et qu’il existait par conséquent un lien de dépendance entre les parties.

Si vous avez des questions ou souhaitez obtenir de l’information sur une éventuelle PDTPE, communiquez avec un membre du groupe Fiscalité des entreprises de Miller Thomson.

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