Nouveaux enjeux pour multiplier l’accès à l’exonération cumulative des gains en capital

10 août 2023 | Andrew C. Bateman, Pierce Quaghebeur, CPA, CA

La planification proactive en vue de multiplier l’accès à l’exonération cumulative des gains en capital (l’« ECGC ») pour les actions admissibles de petite entreprise (« AAPE ») ou les biens admissibles d’une société agricole familiale (« BASAF ») est toujours un sujet d’intérêt pour les contribuables et les membres de leur famille susceptibles de pouvoir en bénéficier. L’Agence du revenu du Canada (« ARC ») ne semble pas s’opposer à ce type de planification lorsqu’elle est exécutée avec soin par l’entremise d’une fiducie familiale. Toutefois, certains défis de vérification ciblée persistent et doivent être soigneusement planifiés (par exemple, l’ARC peut affirmer que certaines actions ne remplissent pas les critères détaillés pour constituer des AAPE aux moments en question). De plus, au cours des dernières années, de nouveaux enjeux ont surgi et doivent être pris en compte lors de la planification en vue de multiplier l’accès à l’ECGC.

Renforcement des capacités de vérification de l’ARC. Une fois que les nouvelles exigences de déclaration pour les fiducies, applicables aux années d’imposition prenant fin le 31 décembre 2023 ou après cette date, auront été respectées, l’ARC devrait avoir un accès beaucoup plus grand aux données relatives à la planification de l’ECGC par l’entremise de fiducies. Ces règles prévoient qu’un plus grand nombre de fiducies, y compris la plupart des fiducies familiales, auront l’obligation de produire chaque année des déclarations T3 et ces déclarations doivent être beaucoup plus détaillées qu’avant. Consultez notre article précédent pour obtenir tout complément d’information sur le renforcement des exigences de déclaration. Ces données supplémentaires devraient augmenter les capacités de vérification de l’ARC. Par conséquent, il est prudent de mettre en œuvre avec soin toute planification faisant intervenir des fiducies en acceptant l’éventualité d’une vérification.

Limite du pouvoir des fiduciaires pour la répartition des gains en capital admissibles. Par le passé, lors de la répartition des gains en capital réalisés par une fiducie à la suite de la disposition d’AAPE ou de BASAF, les planificateurs pouvaient s’attendre à ce que les fiduciaires de la fiducie jouissent d’une grande liberté pour répartir ces gains entre les bénéficiaires qui pourraient faire une meilleure utilisation de l’ECGC. Toutefois, l’ARC a récemment mis en place une directive plus restrictive sur la mesure dans laquelle un fiduciaire peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour répartir les gains, dont certains sont admissibles à l’ECGC et d’autres non (directive de l’ARC numéro 2021-0922021C6 du 15 juin 2022). Le résultat final était effectivement un partage proportionnel par les bénéficiaires des gains en capital admissibles à l’ECGC. Dans sa politique administrative, l’ARC rappelle qu’une attention particulière est nécessaire pour s’assurer que le solde de l’ECGC d’un particulier soit utilisé selon ses souhaits.

Risques liés aux opérations de vente hybrides. En général, les opérations de vente hybrides sont des opérations complexes visant à permettre aux vendeurs de réaliser ce qui est en fait une vente d’actifs, mais qui permet aux vendeurs individuels d’avoir accès à l’ECGC. La récente décision rendue dans l’affaire Foix c. Canada, 2023 CAF 38 ajoute de la complexité à ce type de planification, car le paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) a été appliqué pour qu’un dividende imposable soit réputé résulter de la partie de l’opération hybride qui devait entraîner un gain en capital admissible à l’ECGC pour les actionnaires vendeurs. Il convient de noter que, dans cette cause, la distinction a été faite entre les transactions en question et celles jugées acceptables dans la cause Geransky c. La Reine, 2001 DTC 243. Par conséquent, il semble que les opérations de vente hybrides sont encore une solution viable, mais celles-ci doivent être structurées avec prudence.

Ajout de plusieurs exigences de déclaration. En plus des nouvelles règles de déclaration pour les fiducies mentionnées ci-dessus, les planificateurs doivent désormais tenir compte des nouvelles règles relatives aux « opérations à déclarer » et aux « opérations à signaler » abordées précédemment. À titre d’exemple, selon la description générale des transactions « types » publiées précédemment, les règles relatives aux opérations à signaler pourraient possiblement s’appliquer à diverses situations impliquant des fiducies familiales (par exemple, si une fiducie procède à une distribution à imposition différée à une société bénéficiaire résidant au Canada dont l’actionnaire est un non-résident). La planification exigera d’accorder une attention constante aux opérations désignées (à mesure de leur publication) afin de s’assurer que les obligations de déclaration ne sont pas déclenchées par inadvertance. Rien n’indique actuellement que ces règles cibleront directement la planification de l’ECGC, mais notons toutefois que des règles similaires sont en vigueur au Québec et que celles-ci ont une certaine pertinence directe.

Est-il nécessaire d’accorder une attention plus grande à la règle générale anti-évitement (RGAÉ)? Les modifications proposées aux règles générales anti-évitement (les « RGAÉ ») annoncées dans le budget fédéral de 2023 nécessiteront une attention plus soutenue, en particulier en raison de la proposition de mise en place d’un régime de sanctions. Par le passé, les RGAÉ étaient pertinentes pour la planification de l’ECGC, entre autres dans le cadre d’une tentative de report au conjoint dans ce que l’on appelle couramment le « plan du demi-pain » (voir à titre d’exemple la décision dans la cause Gervais c. La Reine 2016, TCC 180; conf. par 2018 CAF 3 discuté précédemment et plus récemment dans la cause Mony c. Le Roi, 2022 CCI 120).

En règle générale, les stratégies liées à la multiplication de l’ECGC semblent être encore utiles lorsqu’il s’agit d’envisager une future vente des AAPE ou des BASAF. Toutefois, la planification doit tenir compte d’un nombre croissant de nouveaux enjeux.

Si vous avez des questions au sujet de la planification de l’exonération cumulative des gains en capital, n’hésitez pas à communiquer avec un membre du groupe d’expertise en fiscalité des entreprises de Miller Thomson.

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