Gestion d’un litige en matière de construction

29 mars 2019 | Guy Gilain, Anik Pierre-Louis

Introduction

L’industrie de la construction génère malheureusement de nombreux conflits ou litiges. L’exécution d’un projet inclut beaucoup d’intervenants, dont les principaux sont le donneur d’ouvrage, les professionnels, les entrepreneurs, les gérants de projet, les sous-traitants et les fournisseurs de matériaux. Chacun de ces intervenants doit se conformer à un ensemble d’obligations légales et contractuelles et l’exécution de ces obligations s’étale sur une longue période, à savoir l’exécution du chantier de sa conception à son achèvement. La combinaison de cette multiplicité d’acteurs, du nombre d’obligations à respecter et de la durée de l’exercice constituent le creuset parfait pour une multiplicité des litiges. L’objet du présent texte vise à présenter les principales sources des litiges, à explorer les modes de règlement des différends et enfin à démystifier le cheminement d’une réclamation classique dans le secteur de la construction, soit de la naissance du problème jusqu’à ce que jugement soit rendu.

Sources principales des litiges

Les différentes sources de litiges peuvent être regroupées comme suit :

  • droit statutaire (licences, autorisations à contracter, santé et sécurité au travail);
  • soumissions et appel d’offres (conformité des soumissions, égalité entre les soumissionnaires);
  • interprétation contractuelle (étendue des travaux, travaux additionnels, méthode de rémunération des travaux additionnels);
  • conditions de réalisation imprévues ou cachées (devoir d’information);
  • défauts contractuels (déficiences, dépassement de délais, de coûts, retards de paiement ou non-paiement);
  • mécanisme de protection (hypothèques légales et cautionnements).

Modes de règlement des différends

Dans l’industrie de la construction, les parties peuvent recourir à divers modes de résolution de conflits, qui se déclinent en deux catégories principales : le système judiciaire (tribunaux de droit commun) et le système extrajudiciaire (modes alternatifs).

Bien que les tribunaux de droit commun soient ouverts à tous, le législateur encourage fortement les parties à recourir aux modes alternatifs. À cet effet, les parties ont l’obligation de considérer les modes privés de prévention et de règlement des différends, ce qui inclut la négociation, la médiation et l’arbitrage, et ce, avant de s’adresser aux tribunaux de droit commun.[1]

Système judiciaire (tribunaux de droit commun)

Les tribunaux de droit commun, ou tribunaux judiciaires, représentent le forum le plus utilisé pour résoudre de manière définitive les différends. La Cour du Québec, pour les litiges d’une valeur moindre que 85 000 $, et la Cour supérieure constituent le premier palier de l’appareil judiciaire[2]. Leurs décisions peuvent être portées en appel devant la Cour d’appel du Québec, et, en ultime recours, devant la Cour suprême du Canada, qui constitue le plus haut palier décisionnel de l’appareil judiciaire au pays.

La procédure en matière civile devant les tribunaux judiciaires du Québec est définie au Code de procédure civile, RLRQ c C-25.01, nouvellement modifié en janvier 2016. La procédure et les débats sont publics[3] et donnent lieu à des décisions exécutoires entre les parties.

Avantages

  • l’accès au juge et à l’appareil judiciaire est gratuit;
  • les juges sont formés pour rendre jugement;
  • les jugements sont publiés et s’ajoutent à la jurisprudence existante. Les principes dégagés dans la jurisprudence lient les tribunaux, bien que leur application aux faits particuliers de l’affaire relève de la discrétion du juge qui en est saisi. Cela procure les balises dans lesquelles les intervenants d’une industrie peuvent agir;
  • les décisions sont exécutoires.

Inconvénients

  • mener un litige jusqu’à procès peut devenir coûteux;
  • malheureusement, les recours devant les tribunaux peuvent prendre plusieurs années avant qu’une décision finale ne soit rendue.

Médiation extrajudiciaire

La médiation extrajudiciaire consiste en une rencontre entre les parties dirigée par un médiateur privé dont le but est de rapprocher les opposants et de les aider à trouver une solution à l’amiable. Le médiateur est un facilitateur et non pas un décideur[4]. Il ne s’agit pas d’un exercice où l’on tente de persuader la partie adverse qu’elle a tort, mais bien de trouver une solution mitoyenne qui convient à tous.

Le recours à la médiation doit se faire d’un commun accord entre les parties. Même si celles-ci peuvent s’entendre à tout moment pour recourir à un tel processus, il est conseillé d’inclure une clause contractuelle ayant pour effet de rendre la médiation obligatoire entre les parties, si tel est leur désir.

Avantages

  • la médiation est réalisée de manière confidentielle, par opposition aux débats devant les tribunaux judiciaires qui eux sont publics. Les propos qui y sont tenus ne peuvent ainsi pas être rapportés devant les tribunaux;
  • il s’agit d’une solution rapide et courte (qui ne dure qu’une ou quelques journées);
  • elle permet également de limiter l’acrimonie entre les parties qui est autrement présente lors de débats judiciaires où elles s’affrontent, ce qui permet la poursuite des relations commerciales entre les parties.

Inconvénients

  • le médiateur n’a aucun pouvoir décisionnel;
  • ses frais doivent être assumés par les parties;
  • la médiation doit s’inscrire dans un cadre bien particulier où les parties agissent de bonne foi en étant ouvertes à l’idée de mettre de l’eau dans leur vin pour en arriver à un règlement.

En cas de mésentente, l’arbitrage ou les tribunaux judiciaires resteront les seuls moyens de parvenir à une décision finale et exécutoire entre les parties.

Médiation judiciaire

Le processus judiciaire offre la possibilité de tenir une médiation devant un juge qui n’a cependant aucun pouvoir décisionnel et dont la mission est de tenter de concilier les parties. Cette médiation porte le nom de Conférence de règlement à l’amiable (CRA).

Cette médiation s’inscrit à la fin du processus judiciaire, avant jugement, et se déroule devant un juge qui n’entendra pas la cause au mérite lors du procès.

Avantages

  • les parties ont déjà exploré les forces et faiblesses de leur positions respectives (procédures déposées, interrogatoires préalables et échanges documentaires effectués, expertises communiquées), ce qui améliore les chances de règlement;
  • il s’agit d’un service gratuit offert par l’appareil judiciaire;
  • les échanges sont confidentiels.

Inconvénients

  • il faut qu’une certaine bonne foi anime les parties puisque seul un accord entre elles permet de solutionner le litige existant;
  • le juge qui préside la CRA n’a aucun pouvoir décisionnel.

Arbitrage

L’arbitrage constitue une véritable alternative aux tribunaux de droit commun[5]. Il se déroule devant un ou plusieurs arbitres, au choix des parties, dont le mandat est défini par une convention d’arbitrage conclue par les parties.

La décision arbitrale est finale, c’est-à-dire sans appel, et exécutoire au même titre qu’un jugement. Elle peut d’ailleurs être homologuée afin qu’il y ait une exécution judiciaire de la décision.

Le recours à l’arbitrage dépend strictement de la volonté commune des parties. Les parties peuvent inclure leur désir de se soumettre à l’arbitrage dans leur contrat. À cet effet, il faut que la clause d’arbitrage soit obligatoire et non potestative. Elles peuvent aussi convenir, lors de la survenance d’un litige, de le soumettre à l’arbitrage bien que leur contrat ne le prévoyait pas.

Dans le cadre d’un projet de construction classique, qui implique un entrepreneur général, des sous-traitants et des fournisseurs de matériaux, il est important que la méthode de règlement des conflits soit harmonisée. Autrement dit, si le donneur d’ouvrage et l’entrepreneur général décident de soumettre leurs différends à l’arbitrage, il faut que cette clause soit également insérée dans les contrats entre l’entrepreneur général et ses sous-traitants et les fournisseurs de matériaux. En effet, un juge ne peut pas forcer une partie à participer à l’arbitrage si aucune clause contractuelle à cet effet ne la lie.

Basé sur ce principe, il est possible qu’un litige entre un donneur d’ouvrage et un entrepreneur général soit résolu par arbitrage, mais qu’un litige basé sur les mêmes faits entre l’entrepreneur général et son sous-traitant soit dévolu à l’appareil judiciaire, en l’absence d’une telle clause dans leur contrat. Cela a comme conséquence qu’une décision exécutoire entre le donneur d’ouvrage et l’entrepreneur général peut être rendue de manière beaucoup plus hâtive que celle liant l’entrepreneur général et son sous-traitant, de même qu’il est possible que des décisions contradictoires sur le même sujet soient rendues.

Dans le même ordre d’idée, les parties doivent prévoir que les différents litiges puissent être joints dans un même arbitrage, afin de permettre qu’un seul arbitrage soit le forum pour débattre de tous les litiges découlant de la même source.

Avantages

  • le processus est plus expéditif que les tribunaux judiciaires, ce qui permet d’obtenir une décision beaucoup plus rapidement;
  • la décision est finale et sans appel;
  • l’arbitrage se déroule de manière confidentielle, ce qui empêche tout tiers d’avoir accès aux documents déposés au dossier d’arbitrage, à moins que toutes les parties à l’arbitrage n’y consentent[6];
  • le choix du ou des arbitres revient aux parties, ce qui permet d’avoir un décideur spécialisé dans le domaine précis de l’industrie ou du litige visé;
  • l’arbitrage offre une plus grande flexibilité quant à la procédure qui sera suivie. Il est possible pour les parties de se soumettre à des règles procédurales de leur choix, ce qui permet de définir, entre autres, le lieu de l’arbitrage, le nombre d’arbitres, le mode de nomination du ou des arbitres, les modalités d’argumentation écrite, la divulgation préalable de la preuve, la préparation d’admissions et le partage des coûts.

Inconvénients

  • les coûts sont plus élevés, car les parties doivent défrayer les honoraires et frais du tribunal d’arbitrage;
  • il faut avoir la garantie que tous les intervenants d’un projet signent une clause d’arbitrage parfaite et qu’ils peuvent être tous liés par un même arbitrage;
  • la décision d’arbitrage n’a pas l’autorité de la chose jugée envers les autres parties, ce qui peut donner lieu à un risque de décisions contradictoires sur des mêmes points.

Comité de résolution de différends (CRD)

Un CRD est constitué d’un groupe de consultants indépendants ayant pour mission d’assister les parties en temps réel dans la prévention et la résolution de litiges de construction, et ce, en cours d’exécution des travaux.

Les parties doivent contractuellement convenir du rôle du CRD et de la procédure qu’il doit suivre dans leur contrat, et ensuite refléter leur entente dans une convention tripartite avec le CRD. Elles doivent également s’entendre pour qu’un CRD soit formé avant le début des travaux ou dans un délai fixe suivant l’octroi du contrat.

Un CRD est généralement composé de trois membres experts en matière de construction, tant au niveau technique que contractuel. Ces membres sont bien souvent des professionnels architectes ou ingénieurs, des experts en réclamation, des juristes spécialisés en construction et des juriscomptables. Les membres sont nommés à partir d’une liste officielle convenue. La quotité de leurs honoraires et le partage de ceux-ci entre les parties doit également être décidé d’un commun accord.

Un tel comité exerce un rôle hybride qui s’apparente à l’arbitrage, sans pour autant qu’il ne soit investi d’un pouvoir décisionnel.

Les parties peuvent prévoir que :

  • les décisions soient exécutoires immédiatement (adjudication), tout en permettant aux parties de conserver leurs recours devant l’appareil judiciaire, ou que les recommandations du CRD ne soient pas exécutoires;
  • les décisions ou recommandations soient admissibles ou non en preuve devant l’appareil judiciaire;
  • les litiges de faible complexité technique et de faible valeur soient dévolus à un seul membre du CRD, lequel doit rendre sa décision dans les 24 h au terme d’une audition sans la présence d’avocats ou d’experts;
  • les litiges ayant une complexité technique plus élevée ou représentant un montant plus élevé (entre x % et y % de la valeur du contrat) soient dévolus à l’arbitrage ou aux tribunaux judiciaires, ou encore au CRD qui devra alors rendre sa décision dans les cinq jours au terme d’une audition où les avocats et experts, bien que non présents, ont pu être consultés;
  • que les litiges de grande complexité technique et dépassant une certaine valeur soient dévolus à l’arbitrage ou à l’appareil judiciaire, ou encore au CRD qui devra les entendre dans un délai de 30 jours et rendre sa décision dans un délai de 15 jours au terme d’une audition où les parties sont représentées par des procureurs et assistées d’experts.

D’une part, un CRD sert de tiers impartial facilitant la communication des parties tout au long du projet, et ce, sans pour autant qu’un différend formel n’existe. Il aide en réalité à les prévenir. Les membres du CRD visitent le chantier et participent à certaines réunions de manière périodique, de sorte qu’ils ont une connaissance de son déroulement et des potentiels différends.

D’autre part, en cas de litige, le CRD peut aider les parties de deux manières différentes, soit moyen de l’assistance et de l’audience. Au terme de l’assistance, une recommandation verbale est rendue, alors qu’à l’issue d’une audience, une recommandation écrite et motivée est émise. Le CRD analyse les positions respectives des parties et se prononce en appliquant le cadre contractuel. Les décisions du CRD ne sont toutefois pas contraignantes.

Avantages

  • les CRD agissent de manière proactive et en temps réel;
  • ils permettent la continuation du projet et favorisent la bonne collaboration et la communication des parties prenantes;
  • les avis et recommandations sont émis rapidement;
  • les processus d’assistance ou d’audience devant le CRD revêtent un minimum de formalisme, ce qui limite les coûts et accélère son déroulement. Normalement, les avocats des parties ne sont pas présents ou leur rôle est limité à celui d’observateur lors des audiences;
  • les propos qui sont tenus devant le CRD demeurent confidentiels sans pouvoir être utilisés devant les tribunaux. Selon l’entente contractuelle, il est possible de prévoir que le rapport du CRD puisse ou ne puisse pas être déposé en preuve devant les tribunaux judiciaires ou en arbitrage;
  • les membres du CRD sont impliqués et connaissent le projet dès sa naissance, en plus de posséder une grande expertise en projet de construction.

Inconvénients

  • un CRD est coûteux puisque les membres sont impliqués de manière continuelle dans le projet, ce qui en fait un mécanisme peu adapté pour des projets de petite envergure;
  • le CRD n’a aucun pouvoir décisionnel et il doit continuellement conserver sa crédibilité aux yeux des parties pour être efficace.

Réclamation classique en construction

Préparation et gestion des litiges

Dans le cadre d’un litige existant ou appréhendé, une partie doit posséder les trois éléments suivants : i) la maitrise des faits; ii) l’opinion juridique; et iii) l’opinion d’un expert. Pour ce faire, nous suggérons les étapes suivantes.

Maitrise des faits

Mettre en place une équipe interne

La préparation et la gestion d’un litige requièrent du temps et s’ajoutent aux tâches normalement dévolues aux employés d’une entreprise.

Pour bien mener à terme un litige, il faut libérer à l’interne la ou les personnes ayant une connaissance des faits et ayant la capacité de préparer une réclamation et ou d’aider les consultants externes (experts et avocats) à le faire.

Cette ou ces personnes travailleront de concert avec les conseillers juridiques externes et les experts retenus afin de colliger toute l’information requise pour bâtir ou contester la réclamation.

Les avocats et experts devront avoir accès à cette ou ces personnes durant toute la durée du litige. En effet, leur apport sera requis lors de la préparation des demandes de documents, des interrogatoires préalables, de la transmission des réponses aux demandes d’engagements, de l’identification des documents et des témoins pertinents lors de la mise en état du dossier, de discussions de règlement et de la tenue du procès.

Les faits et les preuves

Le nerf de la guerre en matière de conflit de construction demeure le contrôle des faits. Ceux-ci se prouvent par des témoignages et des documents. Par exemple, les courriels, les photos, les procès-verbaux de réunions, ainsi que les plans et devis sont tous des documents qui revêtent une grande force probante en raison de leur concomitance aux faits pertinents. Ces documents ont souvent été rédigés bien avant que naisse le litige, ce qui leur donne une objectivité qui est appréciée par les décideurs.

Ainsi, l’organisation de la documentation et sa préservation sont essentiels. Bien que cela requière des ressources et s’ajoute à la conduite normale des affaires, il s’agit en réalité d’un investissement pour maximiser les chances de succès.

De plus, le Code de procédure civile[7] oblige maintenant les parties à un litige né ou appréhendé à préserver la preuve pertinente, ce qui inclut non seulement les écrits sur papier, mais également tout document électronique, qu’il soit enregistré sur des ordinateurs, des disques durs, des serveurs, des boites courriels ou des clés usb. Cela signifie que chaque partie doit s’assurer de mettre en place des mesures pour conserver les documents, que ce soit au moyen d’une procédure d’archivage déjà en place ou créée spécifiquement en raison du litige, ou encore avec une copie miroir des médias électroniques renfermant les données.

Dans le cadre de litiges d’envergure, la quantité des informations à recueillir et analyser peut rapidement devenir énorme et dépasser les milliers voire les millions de documents. Dans un tel cas, des logiciels spécialement conçus pour la gestion documentaire volumineuse, tels Relativity et Eclipse, deviennent alors incontournables. Ceux-ci permettent de cataloguer, d’organiser et d’identifier les documents pertinents grâce à des technologies et fonctionnalités de recherche et de regroupement de documents similaires. Il facilitent également l’échange de documents entre les parties au stade préalable et lors de la production des pièces au procès. L’équipe juridique chargée d’un dossier d’envergure doit avoir une excellente connaissance de tels outils et des pratiques optimales pour les utiliser. Les membres de cette équipe peuvent également s’adjoindre des firmes externes de révision documentaire qui peuvent traiter des milliers de documents par semaine.

En ce qui concerne les témoignages, une personne peut rapporter des faits dont elle a personnellement connaissance. S’il est à craindre qu’un témoin devienne inaccessible ou moins coopératif avec le passage du temps, que ce soit au motif qu’il puisse quitter l’entreprise,  déménager à une grande distance ou éprouver des problèmes de santé, il est recommandé de recueillir son témoignage par écrit, sous forme de déclaration sous serment.

Les experts et les avocats doivent avoir accès aux documents pertinents et pouvoir rencontrer les témoins, et ce, le plus rapidement possible.

Le conseiller juridique

Le conseiller juridique spécialisé en droit de la construction agit comme un chef d’orchestre pour organiser, diriger, régler ou encore débattre des litiges.

L’un des outils que vous devez demander à votre conseiller juridique est l’émission d’une opinion juridique qui décrira les principes de droit et les chances de succès de la réclamation.

Le conseiller juridique est en mesure d’identifier le cadre juridique applicable ainsi que le fardeau de preuve qui incombe à chaque partie. Il applique le cadre juridique aux faits pertinents, ce qui lui permet d’évaluer les risques et les chances de succès et d’émettre une opinion juridique à cet effet.

L’opinion juridique, combinée à celle de l’expert, permettent au client de prendre les décisions stratégiques et commerciales appropriées, incluant le choix du mode de résolution du conflit. L’implication du conseiller juridique permet également de s’assurer du respect des clauses contractuelles incluant celles d’escalade des différends et des avis obligatoires à formuler au co-contractant.

L’expert en réclamation

Le rôle de l’expert en réclamation est d’émettre une opinion objective sur la responsabilité respective des parties prenantes ainsi que de quantifier la réclamation. Il peut notamment statuer sur la cause des délais, des coûts additionnels et des non-conformités, ainsi que sur le quantum des coûts directs, des coûts indirects et des coûts d’impact.

Nous conseillons d’impliquer l’expert dès l’apparition des problèmes. Cela lui permettra de constater les faits, d’adopter la méthode d’analyse adéquate, et de conseiller le client sur la stratégie à suivre.

Tout comme le conseiller juridique, l’expert doit avoir plein accès aux témoins et aux documents pertinents, sans quoi la qualité et l’utilité de son travail s’en trouvent largement affectés.

La valeur de son apport réside dans la formulation d’une opinion claire (bien présentée), juste (non surévaluée) et objective (sans complaisance). L’indépendance et l’impartialité sont des qualités essentielles d’un expert crédible.

Il revient au choix d’une partie de communiquer ou non une réclamation préparée par son expert pour soutenir ses prétentions. Plus la réclamation est présentée de manière convaincante et meilleures seront les chances de règlement.

Dans le cadre d’un litige porté devant les tribunaux judiciaires ou en arbitrage, la mission de tout expert est d’aider le tribunal, avec objectivité et impartialité, sans égard aux intérêts des parties.[8]

Il est primordial de choisir un expert qui jouit d’une notoriété dans son domaine et qui a déjà été reconnu comme tel par les tribunaux lors de litiges antérieurs. En effet, la qualification d’expert par un tribunal n’est pas automatique; elle peut être contestée et refusée, ce qui rend alors inadmissible en cour l’opinion de l’expert.

Il est également possible que les experts respectifs des parties adverses doivent se rencontrer avant la tenue du procès afin de tenter de concilier leurs opinions et de déterminer les réels points de divergence. De plus, le nouveau Code de procédure civile prévoit la possibilité qu’un expert commun aux deux parties soit nommé par le tribunal afin d’assister ce dernier au niveau technique.

Conclusion

En conclusion, les différends en matière de construction peuvent être solutionnés de multiples façons, que ce soit par la voix judiciaire ou extrajudiciaire. Les ententes contractuelles entre les parties souhaitant se soumettre à des mécanismes extrajudiciaires doivent être bien rédigées afin d’éviter la multiplicité des débats similaires. Dans tous les cas, la préparation adéquate d’une réclamation, laquelle inclut la maîtrise des faits, ainsi que l’apport d’un conseiller juridique et d’un expert technique, demeure le meilleur outil pour résoudre un litige, que ce soit par voie de règlement à l’amiable ou au terme d’un arbitrage

[1] Code de procédure civile, art.1 :

« 1. Les modes privés de prévention et de règlement des différends sont choisis d’un commun accord par les parties intéressées, dans le but de prévenir un différend à naître ou de résoudre un différend déjà né.

Ces modes privés sont principalement la négociation entre les parties au différend de même que la médiation ou l’arbitrage dans lesquels les parties font appel à l’assistance d’un tiers. Les parties peuvent aussi recourir à tout autre mode qui leur convient et qu’elles considèrent adéquat, qu’il emprunte ou non à ces modes.

Les parties doivent considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant de s’adresser aux tribunaux. »

[2] Code de procédure civile, art.33 et 35.

[3] Code de procédure civile, art.11.

[4] Code de procédure civile, art. 605 à 615.

[5] Code de procédure civile, art. 620 à 655.

[6] Code de procédure civile, art. 4 : « Les parties qui choisissent de prévenir un différend ou de régler celui qui les oppose par un mode privé et le tiers qui les assiste s’engagent à préserver la confidentialité de ce qui est dit, écrit ou fait dans le cours du processus, sous réserve de leur entente sur le sujet ou des dispositions particulières de la loi. » et SNC-Lavalin inc. c. ArcelorMittal Exploitation minière Canada, 2018 QCCS 3024.

[7] Art. 20 : « 20. Les parties se doivent de coopérer notamment en s’informant mutuellement, en tout temps, des faits et des éléments susceptibles de favoriser un débat loyal et en s’assurant de préserver les éléments de preuve pertinents.

Elles doivent notamment, au temps prévu par le Code ou le protocole de l’instance, s’informer des faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et des éléments de preuve qu’elles entendent produire. »

[8] Code de procédure civile, art. 231 à 241.

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